Consolation à Polybe, de Sénèque

Contexte : Sénèque console Polybe, qui a perdu son frère.

« La nature rappelle toutes choses au néant dont elle les a tirées. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.87

Rappel de l’impermanence :

« Oui, rien n’est fait pour durer toujours, presque rien pour durer longtemps ; chaque chose a son côté fragile, et si le mode de destruction varie, au demeurant tout ce qui commence doit finir. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.87

« L’univers aussi (…), est condamné à périr. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.87

« Osons maintenant nous lamenter sur des morts individuelles ; (…) Osons nous plaindre que les destins, (…), ne nous aient pas seuls épargnés ! » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.88

Nous ne sommes pas les seuls à subir les infortunes : + compassion

« Quel être assez superbe, assez effréné dans ses prétentions, voudrait, sous l’empire de cette loi de la nature, qui ramène tout à la même fin, qu’il y eût exception pour lui et les siens, et que dans l’inévitable naufrage du grand tout une seule famille fût sauvée ?

C’est donc une puissante consolation de songer qu’il ne nous arrive que ce qu’ont souffert avant nous, et ce que souffriront après nous tous les hommes ; et la nature, ce me semble, en rendant général le plus cruel de ses maux, a voulu que son universalité en adoucît la rigueur. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.88

« C’est en effet à l’élite des humains que tu réserves tes coups les plus habituels, tes fureurs, qui sévissent indistinctement, et qu’il faut craindre au milieu même de tes bienfaits. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.90

« Impitoyable destinée, que ne désarme aucune vertu ! » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.90

« Elle a moissonné votre frère avant qu’il connût toute sa félicité ! Mon indignation, je le sais, est trop faible : il est si difficile de trouver des paroles qui expriment dignement les grandes douleurs ! Poursuivons toutefois nos plaintes, si elles servent à quelque chose. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.91

« Demandons à la fortune : « Pourquoi tant de violence et tant d’injustice ? (…) D’où vient cette cruauté ? (…) qui bouleverse cette vertueuse famille (…) tous dignes (…) ? Eh ! Que sert donc une pureté de coeur fidèle à toutes les lois de la morale, une frugalité antique, un empire constant sur soi-même au sein d’une puissance et d’une prospérité sans bornes, le sincère et invariable amour des lettres, une âme pure de toute souillure ? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.91

« Polybe est dans les pleurs (…) [à cause de] la perte d’un frère (…) O catastrophe non méritée ! Polybe est dans les pleurs ; il a pour lui la faveur de César, et il gémit encore ! Sans doute, fortune insatiable, tu as voulu montrer que rien, pas même César, ne peut garantir de tes attentats. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.91

Pas d’interdiction de la tristesse pour autant :

« Jamais, au reste, je ne prétendrai vous interdire toute tristesse. Je sais bien qu’il se trouve des gens d’une philosophie dure plutôt que courageuse, qui nient que le sage puisse connaître la douleur. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.115

« La raison aura fait assez, si elle retranche le superflu, l’excès de la douleur ; quant à la supprimer toute, ne l’espérons, ne le désirons pas. Qu’elle garde plutôt une mesure qui, sans ressembler à l’insensibilité ni au délire, nous maintienne dans l’état d’une âme affectée, mais non jetée hors de son siège. Que vos pleurs coulent, mais qu’ils coulent pour cesser bientôt : que des gémissements s’échappent de ce coeur brisé ; mais qu’ils aient leur terme. Réglez votre affliction de manière à la justifier aux yeux des sages comme à ceux de vos frères. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.115-116

Néanmoins les lamentations sont inutiles :

« Nous pouvons accuser sans fin la destinée, mais la changer est impossible. Fixe et inexorable dans ses rigueurs, ni invectives, ni pleurs, ni raison ne l’émeuvent : elle n’épargne jamais personne, elle ne fait grâce de rien. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.91

« Etouffons donc des lamentations infructueuses (…) ces tortures-là ne sont pas un remède. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.91-92

« Jetez les yeux sur l’humanité qui vous environne : partout d’abondantes et inépuisables causes d’affliction. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.92

« Ne voyez-vous pas quelle existence nous a promise la nature en voulant que les pleurs fussent le premier augure de notre naissance ? Tel est le début de la vie, et la suit de nos ans y répond ; c’est dans les pleurs qu’ils se passent. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.92

« Sachons tarir ou du moins réserver nos larmes. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.92

« Celui-là vous demande des regrets, mais non du désespoir. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.93

Argument : votre frère qui est mort ne veut pas vous voir souffrir à cause de lui. P.93

Autre argument : songez aux frères qui vous restent (p.93-94)

«Mais voici surtout ce qui doit épargner à votre tendresse des gémissements superflus : songez aux frères qui vous restent ; ne devez-vous pas les instruire d’exemple à se raidir sous l’injuste main qui les frappe ? Un grand capitaine, après un échec, affecte à dessein de la gaîté, et déguise sa position critique sous une joie factive, de peur qu’en voyant leur chef consterné, le courage des soldats ne s’abatte. Tel est maintenant votre devoir. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.94

« Au lieu de vous navrer le coeur, reportez-le sur les riches et nombreuses consolations qui vous attendent : tournez vos yeux sur des frères chéris, sur une épouse, sur un fils. (…) Vous avez plus d’un asile où reposer votre douleur. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.105

Sénèque en appelle à la responsabilité de Polybe vis-à-vis de la famille qui lui reste :

« Vous devez être et leur consolation et leur consolateur : or, pourrez-vous arrêter leurs plaintes, si vous laissez un libre cours aux vôtres ? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.94

Autre argument : vous montre l’exemple, chacun vous regarde, vous êtes vus de tous (du fait de la haute « classe sociale » de Polybe).

« Tout est permis à ceux dont les affections peuvent se cacher ; pour vous, le moindre mystère est impossible : la fortune vous expose au grand jour. Le monde entier saura de quel air vous avez reçu cette blessure ; si au premier choc vous avez baissé votre épée, ou si vous êtes demeuré ferme. »

« Prévenez ici le blâme public : qu’on ne croie pas qu’en vous une seule douleur l’emporte sur tant de consolations. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.105

+ image importante de consolation : si vous vous laissez aller au chagrin, vous êtes « faible » et « efféminé » :

« Tout acte vulgaire, toute faiblesse de coeur vous compromettrait. Or, quoi de plus faible et de plus efféminé que de se laisser miner par le chagrin ? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.95

Sénèque augmente la « pression » : « Vous ne pouvez plus rien faire d’indigne de vos lumières et de vos vertus, sans qu’une foule d’hommes se repentent de leur admiration pour vous. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.95

« Vous n’avez pas le droit de vous affliger sans mesure … » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.95

« Mille choses vous sont interdites qui sont permises à l’humble mortel gisant dans un coin obscur. Une grande fortune est une grande servitude. »

Ici Sénèque console le lecteur s’il n’a pas une haute position sociale, ou s’il n’est pas célèbre.

« Oui, je le répète, il vous est interdit de pleurer… » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.96

Autre argument : l’importance de se plier aux volontés de « César ».

« Tant que César gouverne la terre, vous ne pouvez le moins du monde vous livrer ni aux plaisirs, ni à la douleur, ni à rien qui vous soit personnel : vous vous devez tout à César. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.97

« Et que dis-je ? Puisque César, vous l’avouez hautement, vous est plus cher que votre vie, tant qu’il respire, vous ne sauriez, sans injustice, vous plaindre de la fortune. (…) Vous trouverez tout en lieu, il vous tient lieu de tout. Il répugnerait trop à votre sagesse, à votre âme sensible et reconnaissante, de méconnaître votre félicité jusqu’à oser déplorer votre sort du vivant de César. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.97

« En [César] seul vous trouverez un support, un consolateur suffisant. Relevez votre courage, et chaque fois que les larmes viendront remplir vos yeux, arrêtez-les sur César : elles se sécheront au radieux aspect de cette puissante divinité. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.105

« Qu’il continue d’être nuit et jour le but de vos contemplations ; que votre âme et vos pensées ne s’en écartent jamais ; qu’il soit votre recours contre la fortune ; et sans doute ce prince, si débonnaire, si affectueux pour tous ceux qui lui appartiennent, aura déjà mis plus d’un appareil sur votre blessure et prodigué le baume qui doit charmer vos douleurs. Mais encore n’en eût-il rien fait, voir seulement César ou penser à lui, n’est-ce pas un adoucissement bien réel à vos maux? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.106

+ éloge, hommage à César (patriotisme romain) « Puisse cet astre, qui vint briller sur un monde tombé dans le chaos et englouti dans les ténèbres, ne s’éclipser jamais ! » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.106

« La première de sa vertu est la clémence. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.106

« Le prince est le consolateur de tous les humains. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.107

« Nul n’aurait mieux rempli que lui cette tâche de consolation. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.108

« Tous les exemples propres à vous inspirer la résignation, sa mémoire si fidèle vous les a rapportés ; il vous a développé les préceptes de tous les sages avec son éloquence ordinaire. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.108

Autre remède proposé par Sénèque, « non sans doute plus puissant, mais d’un usage plus familier » : l’étude

« Ne laissez donc aucune partie de votre temps inoccupée par l’étude (…) vous ne devez plus quitter Homère et Virgile … » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.97

« Je n’irai pas jusqu’à vous conseiller d’appliquer à la composition de fables, d’apologues dans le goût d’Esope … » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.98

« Quant à Polybe, il n’a rien dans sa conduite qu’il lui faille changer. Il s’est de bonne heure passionné pour ces études qui relèvent si bien le prix de la prospérité, qui allègent si aisément l’infortune, qui font le plus bel ornement comme la plus douce consolation de l’homme. Plongez-vous donc davantage encore dans vos études chéries ; c’est maintenant qu’il faut vous en faire comme un rempart où la douleur ne trouve aucune brèche [métaphore du siège militaire-de la citadelle intérieure] pour s’introduire jusqu’à votre âme. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.114

Sénèque conseille de procéder par étapes :

« Votre imagination, quoique malade encore et en lutte contre elle-même, se sentira distraite par le sérieux de ses travaux ; mais les choses qui veulent être traitées d’un esprit serein lui répugneront, tant qu’elle ne sera pas entièrement rentrée dans son assiette. Qu’elle commence donc par des sujets sévères, pour se détendre après sur de plus riantes productions. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.98

Sénèque propose ensuite « un grand motif de soulagement », que Polybe se demande « souvent à lui-même » :

« Est-ce pour moi que je m’afflige, ou pour celui qui a cessé d’être ? Si c’est pour moi, auprès de qui est le mérite de la faiblesse dont je me pare ? Elle devrait, pour être excusable, partir d’un plus noble fond ; quand des pensées d’intérêt s’y mêlent, le coeur y devient étranger. Or, rien ne sied moins à l’honnête homme que de faire de la mort d’un frère l’objet d’un calcul. »

On voit ici encore, une dimension morale de la consolation antique.

« Si c’est pour lui que je me lamente, je dois admettre, dans l’appréciation de ma conduite, l’un de ces deux points : ou les morts sont privés de tout sentiment, et mon frère, échappé à toutes les disgrâces de la vie, se retrouve aux mêmes lieux où il était avant de naître, libre de tout mal, sans crainte, sans désir, sans souffrance aucune. Quelle est alors ma démence, de nourrir une douleur sans fin pour qui n’en éprouvera jamais ? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.98-99

Ici est mis en avant l’argument rationnel : c’est faire preuve de « démence » que de s’affliger + d’autres arguments faisant appel au bon sens, à la raison, propre de la consolation antique.

Vision cosmique, enfin :

« Ou le trépas nous laisse encore quelque sentiment, et ainsi l’âme de mon frère, renvoyée comme d’une longue prison, jouit enfin d’elle-même, de son indépendance, du spectacle de la nature ; et tandis qu’il regarde d’en haut les choses de la terre, il contemple aussi de plus près les célestes mystères, dont il a si longtemps et si vainement cherché la clef. Pourquoi donc me consumé-je à regretter un frère qui est heureux, ou qui n’est plus rien ? L’envie seule pleurerait son bonheur ; pleurer le néant est folie. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.99

Vision cosmique d’un bel au-delà :

« Il a , de cette humble et basse région, pris son vol vers le séjour mystérieux qui ouvre aux âmes dégagées de leurs fers ses demeures bienheureuses. Dans son vague et libre essor, il découvre tous les trésors de la nature avec un suprême ravissement. Détrompez-vous, il n’a point perdu la lumière, il en respire une plus paisible, vers laquelle nous nous acheminons tous. Que plaignons-nous son sort ? Il ne nous a pas quittés, il a pris les devants. C’est, croyez-moi, un grand bonheur que de mourir au temps de la félicité. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.101

Deux éléments : l’argument moral et l’argument rationnel, la consolation antique baignait dans un contexte où il était commun de faire appel à la raison et à la vertu.

Les avantages d’être mort :

« Votre chagrin vient-il de ce que vous vous figurez votre frère dépouillé des brillants avantages qui l’entouraient de tout leur éclat ? Mais songez que s’il a perdu bien des choses, il en est davantage qu’il ne craint plus. Point de ressentiment qui le tourmente, de maladie qui l’abatte, de soupçon qui le harcèle ; l’envie au fiel rongeur, constante ennemie de tout ce qui s’élève, ne s’acharnera plus sur lui ; la crainte ne l’aiguillonnera plus ; la légèreté de la fortune, si prompte à changer de favoris, ne troublera plus son repos. Calculez bien : on lui a fait grâce plutôt que dommage. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.99

Finalement, la mort est donc un avantage plutôt qu’un malheur

« Croyez-moi, plus heureux est l’homme à qui la fortune est inutile, que celui qui l’a sous la main. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.100

Les biens prétendus de la vie sont de faux biens au final

« Tous ces  faux biens … » passages intéressants p.100, « une grande fortune à maintenir coûte bien des soucis. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.100

« Toute vie est un supplice. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.100

Métaphore maritime pour mieux expliquer cela :

« nulle part nous ne pouvons jeter l’ancre … » « nous flottons suspendus aux vagues … » « nous nous heurtons les uns contre les autres, faisant trop souvent naufrage, le redoutant toujours. Au milieu de ces flots si orageux et exposés à toutes les tempêtes, le navigateur n’a de port que le trépas. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.100

Ne pas pleurer (raisons morales) car le mort est plus heureux dorénavant

« Ne pleurez donc pas, comme ferait l’envie, le bonheur d’un frère : il repose ; il est enfin libre, hors du péril, immortel ; » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.100

« Il jouit maintenant d’un ciel pur et sans nuage »

Avoir plutôt de la gratitude pour avoir pu vivre avec le défunt de son vivant plutôt que de juger sa perte injuste, avec ingratitude finalement (+ texte intéressant p.101)

« Et une consolation infaillible pour vous, qui êtes juste en toutes choses, sera de penser, non qu’un tort vous a été fait par la perte d’un tel frère, mais que vous êtes redevable au ciel d’avoir joui longtemps et pleinement de sa tendresse. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.101

Sur le plaisir :

« Tout plaisir est prompt à nous quitter : il fuit, il s’envoie, et presque avant d’arriver il n’est plus. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.101

Se rappeler les souvenirs heureux :

« Que l’imagination se reporte donc sur le passé : tout ce qui jamais a pu nous charmer, rappelons-le, et que de fréquentes méditations nous le fassent mieux savourer. Les plaisirs n’ont de constant et de fidèle que leur souvenir ; leur présence dure trop peu. »

Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.101-102

« Vous avez possédé un excellent frère : comptez cela pour une félicité des plus grandes ; et au lieu de dire : « Je pouvais l’avoir plus longtemps », songez combien de temps vous l’avez eu. La nature vous l’avait, comme à tous les frères, non donné pour toujours, mais prêté. Il lui a plu de le redemander, sans attendre que vous vous en fussiez rassasié, elle a suivi sa loi. »

Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.102

Persuasion sans doute plus claire :

« Réjouissez-vous d’avoir eu un si bon frère ; et la jouissance d’un tel bien, trop courte au gré de vos vœux, sachez au moins l’apprécier. Reconnaissez que si la possession fut des plus douces, la perte aussi était dans l’ordre des choses humaines. Il y a une inconséquence des plus grandes à vous affecter de ce que le sort vous ait, pour peu d’instants, gratifié d’un tel frère, et à ne pas vous applaudir qu’il vous en ait gratifié. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.102

Persuasion contre toute plainte :

« Il n’y a donc pas là injustice du sort ; il y a dépravation d’esprit chez l’homme, insatiable en tout, et qui s’indigne de sortir d’un lieu où il fut admis à titre précaire. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.103

Exemple « héroïque » d’un sage :

« Combien était plus juste ce sage qui, apprenant la mort de son fils, fit cette réponse digne d’une âme héroïque : « En lui donnant la vie, je savais qu’il mourrait un jour. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.103

« Te rappellerai-je Scipion l’Africain apprenant dans l’exil la mort de son frère ? (…) Eh bien ! Cet homme supporta la mort de son frère avec autant de courage qu’il l’avait défendu. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.109

« [Au sujet de Scipion Emilien qui perdit deux frères] adolescent à peine (…), il contempla ce brusque vide avec la fermeté d’un héros né pour faire revivre dans Rome les Scipions, et pour détruire Carthage. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.109

+ Enumération d’exemples de deuils supportés courageusement.

« Cependant tant de coups terribles n’excédèrent pas les forces de cette âme qui suffisait à tout, et, vainqueur des nations étrangères, le divin Auguste sut encore vaincre ses douleurs. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.110

« [Exemple de C. César au sortir de l’adolescence, qui perdit son frère chéri et qui fût blessé à la guerre] : il endura l’une et l’autre avec le même héroïsme, avec la même résignation. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.110

« [Exemple de Tibère qui vit mourir son frère dans ses bras] il mit un frein, non seulement à son désespoir, mais à celui des autres. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.110

« [Exemple de Marc-Antoine, qui perdit son frère] Il supporta cependant cette affreuse blessure avec autant de magnanimité que toutes les disgrâces précédentes. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.111

« Le sort m’a frappé deux fois (…), et deux fois il a vu qu’il pouvait me blesser, mais non me vaincre. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.111

« Pour vous, les yeux fixés sur ces grands hommes cités tout à l’heure, et déjà reçus dans le ciel ou dans une sphère voisine du ciel, souffrez sans murmure que le sort étende jusqu’à vous cette main qui frappe ceux même par qui l’humanité respire encore. Imitez leur courage à soutenir, à vaincre la douleur ; et, autant qu’il est donné à l’homme, marchez sur leurs traces divines. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.112

« La vertu est accessible à tous. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.112

« Ils ont subie la mort sans résistance farouche comme sans mollesse efféminée. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.113

« Ne point sentir ses maux, c’est n’être pas homme : ne pas les supporter, c’est manquer de courage. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.113

+ contre-exemple de Caligula, « gonflé d’un orgueil plus qu’humain » qui se consola dans les dés ou dans le mal d’autrui et punissait quiconque ne montrait pas assez d’affliction à son goût.

Pas de surprise à avoir lorsque quelqu’un meurt :

« La mort d’un fils ne parut pas au philosophe quelque chose de nouveau : car qu’y a-t-il de nouveau qu’un homme meure, lui dont toute l’existence n’est qu’un acheminement vers la mort ? »

« Toute l’existence de l’homme n’est qu’un acheminement vers la mort. » « Oui c’est pour cela qu’on nous élève tous : quiconque arrive à la lumière est promis au trépas. Heureux du prêt, qui nous est fait, rendons-le dès qu’on le réclamera. » « Le sort saisira l’un plus tôt, l’autre plus tard : il n’oubliera personne. Soyons donc prêts à tout instant : ne craignons jamais l’inévitable, et attendons toujours le possible. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.103

Entretenir la mémoire du défunt et de ses vertus :

« Faites que la mémoire de celui qui n’est plus puisse s’offrir à vous souvent et avec charme ; dans vos discours, parlez maintes fois de lui, et que vos souvenirs vous le représentent sans cesse. Or, il faut pour cela savoir trouver dans ces souvenirs plus de douceur que d’amertume. Car il est naturel que l’esprit finisse par s’éloigner des pensées auxquelles il ne revient qu’avec tristesse. » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.116

« Rappelez-vous tant de modestie, tant d’aptitude à entreprendre, d’habileté dans l’exécution, de fidélité dans les engagements. Racontez aux autres toutes sesactions, toutes ses paroles, et reditez-vous-les à vous-même. Pensez à ce qu’il fut, et à tout ce qu’il promettait d’être. Car que ne pouvait-on pas hardiment espérer d’un tel frère ? » Sénèque, Consolation à Polybe, DP Editions, p.116

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